On a appris, le 3 septembre, la mort de Michel Corboz à 87 ans. Le chef d’orchestre et de choeur suisse a laissé une très abondante discographie, réalisée pour l’essentiel à l’initiative de Michel Garcin, l’infatigable découvreur de talents et directeur artistique d’Erato pendant près de 40 ans.
Michel Corboz a ainsi pu enregistrer près de 300 disques, essentiellement de musique sacrée. Un grand nombre d’entre eux a accompagné ma découverte de pans entiers de répertoire et reste des références pour toujours.
Discographie sélective (mais aucun disque de Michel Corboz n’est négligeable ni médiocre)
Souvenir intact d’une Passion selon Saint Jean donnée dans l’acoustique pourtant revêche de la Maison des Arts de Thonon. Je n’ai jamais retrouvé pareilles émotions depuis en concert.
Un disque cher à mon coeur depuis longtemps dans ma discothèque, trois concertos de Bach au piano, enregistrés à Lisbonne, du temps où Maria-Joao Pires partageait la vie du chef de l’orchestre Gulbenkian.
Une explication pour le non-initié aux arcanes de la production discographique. Tous les disques de Michel Corboz sont parus sous étiquette Erato. Bon nombre d’entre eux ont été réédités par le label suisse Cascavelle, qui, pendant très longtemps, était le faux-nez d’un couple de généreux mécènes – qui ont aussi financé largement les disques de l’Orchestre de la Suisse romande et d’Armin Jordan.
C’est à Michel Corboz qu’on doit la plus lumineuse, la plus simple, la plus radieuse version du Requiem de Fauré :
Impossible de citer tous les Requiem que Michel Corboz a enregistrés, jusqu’à celui de Verdi. Ils sont tous marqués de la même ferveur radieuse.
L’un de ses enregistrements les moins connus est la Messe en do majeur de Beethoven, une pépite de ma discothèque, où la voix céleste de la soprano suisse Audrey Michael me bouleverse à chaque écoute
Les compositeurs suisses, Arthur Honegger, Frank Martin, ont trouvé en Michel Corboz leur grand interprète moderne :
J’ai évoqué dans mon article (Michel Corboz 1934-2021) un double CD d’absolues raretés, les Requiem de l’auteur d’opérettes Franz von Suppé et du Portugais Bomtempo
Il y a dix ans, Michel Corboz dirigeait le Requiem allemand de Brahms à la Folle journée de Nantes.
Le grand chef letton, Mariss Jansons,disparu le 1er décembre 2019 à 76 ans, a laissé une discographie abondante, dominée par quelques compositeurs, où figurent nombre de reprises avec les orchestres dont il eut successivement la direction musicale, essentiellement l’orchestre philharmonique d’Oslo, le Concertgebouw d’Amsterdam et l’orchestre de la Radio bavaroise
BEETHOVEN
Avant d’en réaliser une intégrale en concert, partagée entre Tokyo et Munich au début des années 2010, Mariss Jansons avait peu abordé Beethoven.
BRAHMS
Comme presque toujours, on préfèrera ici les premiers enregistrements des symphonies de Brahms, réalisés à Oslo, publiés par le label Simax. Jansons y déploie autant d’énergie que de lyrisme, un souffle qui nous semble absent des dernières gravures faites à Munich.
BRUCKNER
Mariss Jansons a abordé Bruckner relativement tard dans sa carrière. Comme je l’écrivais (Mariss Jansons, la grande tradition) je n’avais pas été très convaincu par une 3ème symphonie de Bruckner qu’avaient donnée Jansons et le Concertgebouw à Lucerne il y a quelques années. J’ai le sentiment que le chef se laisse porter par la magnificence sonore des phalanges qu’il dirige (Amsterdam, puis Munich) sans prendre de véritable parti interprétatif.
CHOSTAKOVITCH
On ne grandit pas impunément à l’ombre et aux côtés de Mravinski, le créateur de la plupart des grandes symphonies de Chostakovitch, Mariss Jansons n’est pas spontanément cité comme une référence dans ce corpus, au même titre que Kondrachine, Haitink ou Rojdestvenski. À tort, parce que l’intégrale réalisée sur une vingtaine d’années, avec les plus grandes phalanges, est philologique, idiomatique, parce qu’elle rend universel le génie de Chostakovitch.
Symphonie n°1 : Orchestre philharmonique de Berlin/BPO (1994)
Symphonie n°2 : Orchestre de la Radio bavaroise/BRSO (2005)
Symphonie n°3 : BRSO (2005)
Symphonie n°4 : BRSO (2004)
Symphonie n°5 : Orchestre philharmonique de Vienne/VPO (1997)
Symphonie n°7 : Orchestre philharmonique de Leningrad (1988)
Symphonie n° 8 : Orchestre symphonique de Pittsburgh (2001)
Symphonie n°9 : OPO (1991)
Symphonie n°10 : Orchestre de Philadelphie (1994)
Symphonie n°11 : Orchestre de Philadelphie (1996)
Symphonie n°12 : BRSO (2004)
Symphonie n°13 : Sergei Aleksashkin, basse BRSO (2005)
Symphonie n°14 : Larissa Gogoievskaia, Sergei Aleksashkin, BRSO (2005)
Symphonie n°15 : Orchestre philharmonique de Londres (1997)
DVORAK
Le lyrisme bohémien de Dvorak a toujours bien convenu au chef letton, particulièrement dans ses premières gravures norvégiennes.
MAHLER
J’ai toujours trouvé Jansons plus à l’aise dans Mahler et ses vastes fresques que dans Bruckner. Même si on observe de manière plus flagrante ici que dans d’autres répertoires, d’un orchestre (Oslo puis Amsterdam) à l’autre (Munich), et d’une décennie à l’autre, un alentissement général, la dilution de l’énergie interne, l’abandon à un certain hédonisme sonore, mais Mahler supporte ces différents traitements. On écoutera d’abord les premiers enregistrements d’Oslo. Magnifiquement captés. Ceux que l’on préfère.
RICHARD STRAUSS
Mariss Jansons est venu relativement tard à Richard Strauss. On a le choix entre les versions données à Amsterdam ou à Munich, pratiquement contemporaines.
En janvier paraîtra le dernier enregistrement de Mariss Jansons, avec les Vier letzte Lieder chantés par Diana Damrau.
LA MUSIQUE FRANÇAISE
Jansons s’en est tenu aux grands classiques de la musique française, mais sa Symphonie fantastique de Berlioz, enregistrée en 1991 au Concertgebouw, est régulièrement en tête des écoutes anonymes.
Toujours au Concertgebouw, il a parfois abordé Debussy, Ravel, et même Dutilleux.
LES RUSSES
Mariss Jansons a véritablement émergé sur la scène discographique internationale avec son intégrale des symphonies de Tchaikovski, magnifiquement enregistrée à Oslo entre 1984 et 1986. Là encore, dans les écoutes comparées, Jansons arrive en tête.
Autre sommet de la discographie ‘jansonienne », les symphonies et poèmes symphoniques de Rachmaninov qui bénéficient des couleurs idéales de l’orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg.
Ce n’est que récemment que Jansons avait abordé le chef-d’oeuvre choral Les Cloches de Rachmaninov, livrant au passage une troisième version des Danses symphoniques (après Saint-Petersbourg et Amsterdam, cf. supra)
Quant à Stravinsky, trois fois Jansons a remis sur le métier les grands ballets, à Oslo, à Amsterdam et à Munich. La somptuosité des timbres amstellodamois l’emporte ici.
Quant à Prokofiev, Jansons n’en a gravé que la 5ème symphonie, mais sa première version à Leningrad est une référence absolue.
Chemins de traverse
Etrangement, Jansons n’a pas beaucoup enregistré de musiques nordiques. Dommage quand on entend les quatre symphonies de Sibelius gravées à Oslo (il a repris la Deuxième à Amsterdam et Munich)
Il laisse une version de référence des deux symphonies du Norvégien Johan Svendsen(1840-1911)
Plus surprenants, ces deux disques consacrés à Arthur HoneggeretKurt Weill. Dans Honegger on peut préférer la flamboyance d’un Karajan. Mais ce double album est passionnant.
En attendant que Warner rende l’hommage qui lui est dû à Mariss Jansons, en rassemblant dans un coffret la totalité des enregistrements du chef pour EMI, on trouvera des pépites dans le coffret que la radio néerlandaise a édité, qui reprend nombre de concerts donnés au Concertgebouw et qui n’ont pas tous été publiés séparément.
Berlioz Symphonie fantastique
Ravel La Valse
Lutoslawski Concerto pour orchestre
Tchaikovski Symphonie n°6
Bartok Concerto pour orchestre / Musique pour cordes percussion et célesta
Mahler Symphonie n°7
Hindemith Métamorphoses symphoniques
Wagemans Moloch
R.Strauss Till Eulenspiegel / Mort et Transfiguration
Webern Im Sommerwind
Brahms Symphonie n°1
Schumann Symphonie n°1
Sibelius Symphonie n°1
Beethoven Symphonie n°5 / Ouv.Egmont
Schoenberg Un survivant de Varsovie
Moussorgski Chants et danses de la mort (Ferruccio Furlanetto)
Janacek Tarass Bulba
Gubaidulina Le Festin pendant la peste
Stravinsky Capriccio pour piano (Emanuel Ax) / Symphonie de psaumes
Varèse Amériques
Messiaen Hymne au Saint-Sacrement
Rossini La pie voleuse ouv.
Berio Quatre dédicaces
Poulenc Concerto pour orgue (Leo van Doeselaar)
Andriessen Mysterien
Rachmaninov Symphonie n°2
Wagner Prélude et mort d’Isolde
Bruckner Symphonie n°3
Martinu Concerto pour violon n°2 (Frank Peter Zimmermann)
Prokofiev Symphonie n°5
Le label de la radio bavaroise BR Klassik a, lui, réédité en coffret une dizaine d’enregistrements récents en format SACD.
A l’occasion du 125ème anniversaire de l’un des meilleurs orchestres du monde, le Concertgebouw d’Amsterdam, la radio néerlandaise regroupe en deux beaux offrets 152 CD d’une liste fabuleuse de grands concerts captés dans la célèbre salle amstellodamoise, avec les plus grands chefs du XXème siècle.